Avec les derniers sujets, je me dis que ça peut être pas mal de poster ici ce que dit la recherche en psychologie sociale sur le véganisme. Je n'ouvre pas de débat parce que je ne partage pas ici une opinion personnelle mais des études, et je me dis que ça peut en intéresser certain.es. Je commence par la vulgarisation d'un article que j'avais posté sur mes réseaux !
Identifier et surmonter les barrières sociales et psychologiques au véganisme.
Cette étude détaille les différentes étapes du changement vers le véganisme et les stratégies à adopter pour aider les gens à surmonter les freins liés à l’adoption du véganisme. Elle commence donc par souligner l'importance du véganisme (pourquoi est-il un enjeu), puis présente selon le modèle trans-théorique du changement les obstacles spécifiques à chaque étape du changement vers une alimentation végétale, ainsi que les solutions identifiées pour aider à surmonter ces obstacles.
I. Pourquoi devenir végane ?
Si on cherche à surmonter les barrières au véganisme, c’est bien parce qu’être végane a de nombreux avantages et implications, voici trois principales :
a) Il y a un consensus scientifique sur la conscience des animaux (voir la Déclaration de Cambridge sur la Conscience). Les études tendent à montrer qu'ils vivent des expériences subjectives, ont une pensée consciente, et qu'il n'y aurait pas de corrélats neuronaux de la conscience qui soient uniquement propre à l'homme.
b) L'achat de produits d'origine animale (POA) finance l'emprisonnement, la mutilation et l'abattage d'animaux, cela concerne la production de lait, d'œufs et de viande.
c) Il est parfaitement possible d’avoir une vie saine sans manger de POA. L'élevage a en plus un effet direct sur le changement climatique, la résistance aux antibiotiques et les pandémies, on peut raisonnablement conclure qu'il représente un négatif net pour les humains (en plus des animaux eux-mêmes), les auteurs disent :
"L'agriculture animale industrielle provoque des souffrances inutiles et peut raisonnablement être qualifiée d'immorale."
II. Le modèle transthéorique du changement (TTM)
Le TTM est un modèle qui comprend les six étapes par lesquelles passe une personne qui veut entamer un changement. Les étapes commencent par la précontemplation (avant que l’individu ne pense au changement), puis la contemplation du changement, la préparation au changement, le passage à l'action, le maintien du changement et enfin la cessation/sortie permanente (termination = adoption à long terme du nouveau comportement). L'évolution dans le changement n'est pas forcément linéaire, un individu peut stagner à une étape en y rencontrant des obstacles (qui seront détaillés après), retourner à une étape antérieure ou carrément abandonner le changement.
Pour revenir au véganisme, il est important de remettre en contexte qu'au sein de notre société, la norme est de manger de la viande. Les véganes sont “les autres”, et s’éloigner de la norme peut être une difficulté pour beaucoup. De plus, en fonction du stade auquel se trouve la personne sur le TTM, les stratégies à adopter pour la diriger vers le changement (et donc l’adoption du véganisme) sont différentes.
Voici le détail par étape des différents obstacles que peuvent rencontrer les gens, ainsi que leurs "solutions":
a. Pré-contemplation
Les personnes à ce stade ne sont pas encore engagées dans un processus de changement, on y retrouve donc une grande partie de la population. Ici, il y a 3 raisons principales de pourquoi les gens ne pensent pas au véganisme :
1 & 2 : l’ignorance et l’évitement des pensées négatives, qui peuvent être résolus par le fait de sensibiliser patiemment les gens en expliquant la réalité de l’élevage.
3 : le “biais de confirmation”, qui est la tendance à ne sélectionner que les infos qui vont dans notre sens, afin de confirmer nos croyances. Les auteur’rices avancent le fait qu’avec une plus grande couverture médiatique positive à propos du véganisme, l’information serait jugée + importante parce que vue + de fois, et pourrait aider à contrer ce biais.
b. Contemplation
Ici, nous retrouvons les gens qui réfléchissent à leur comportement, mais n’en sont pas encore au fait de le changer réellement, ce sont des “pensées”.
Apparaît ici la dissonance cognitive, c'est-à-dire le malaise ressenti en découvrant qu’il y a une contradiction entre nos croyances (j’aime les animaux) et nos comportements (je participe à leur massacre en les mangeant). C’est un sentiment désagréable qui se réduit en prenant conscience qu’il faut changer son comportement.
On retrouve aussi ici des biais de statu quo (les gens ont une préférence pour le statu quo, ici manger de la viande), l’impact des normes sociales, de la culture spéciste, etc. C’est lorsque l’individu aura résolu ces dilemmes intérieurs en faveur du véganisme qu’il pourra passer au stade suivant. En attendant, il est utile de continuer à diffuser les informations et à montrer que les alternatives sont faciles d’accès pour l’aider à faire pencher la balance du bon côté.
c. Préparation
Les gens ont pris leur décision : iels veulent changer et planifient de le faire dans les six prochains mois. Les barrières sont les habitudes et la self-liberation (= la croyance que l’on est capable de changer de manière durable). Les stratégies associées sont d’augmenter les choix d’options véganes et, pour la self-liberation, de planifier à l’avance ses comportements : s’imaginer le prochain endroit où l’on va manger, ce que l’on va manger précisément, anticiper les difficultés et la manière dont on va y faire face.
d. Action
La personne a commencé à adopter le véganisme durant les six derniers mois. Entre en jeu l’identité sociale, ou le fait d’introduire le véganisme comme une partie de son identité (“je suis végane”) : intégrer ce changement de vie comme une part du soi va aider à maintenir le nouveau comportement. Par exemple, avoir une nouvelle identité sociale et s'identifier en tant que végane, ça peut aussi permettre d'avoir l'impression de faire partie d'un groupe, et en s'investissant dans cette nouvelle identité, par cohérence, il y a plus de chance de rester végane.
e. Maintenance
Le changement dure depuis au moins 6 mois, c’est le maintien du nouveau comportement malgré les tentations de revenir à l’ancien. Ce qui aide le plus à ce stade, c’est le support relationnel (amis, famille, conjoint’e qui nous encourage et nous soutient).
Enfin, avoir un réseau de soutien est une stratégie efficace dans tous les stades : avoir des personnes sur qui compter ou partager nos expériences à chaque étape est un facteur de réussite.
III. Conclusion
Continuer de partager des informations pertinentes, s'informer, se montrer comme une personne ressource pour les gens qui souhaitent adopter une alimentation végétale sont les meilleurs moyens de l'aider à surmonter les divers obstacles de ce changement.
De plus, argumenter sur la souffrance animale est plus efficace si nous voulons amener les gens vers le végétarisme ou le véganisme. Les arguments qui concernent la santé ou l’environnement sont plus utiles pour une réduction de la consommation de viande plutôt qu’une adoption d’une alimentation végétale.
Source :Bryant, C. J., Prosser, A. M. B., & Barnett, J. (2022). Going veggie : Identifying and overcoming the social and psychological barriers to veganism. Appetite, 169, 105812. https://t.co/uNiPLmRXxR